LA SANTE A L'EPREUVE DU TRAVAIL

Publié le par snesuhry

 

L'excellente revue "Mouvements" consacre son dernier numéro à "la santé à l'épreuve du travail". L'initiative mérite d'être soulignée, car trop souvent le champ du travail a été abandonné à nos adversaires (pensez au "travailler plus pour gagner plus"), alors même que tous les spécialistes de ces questions soulignent l'accroissement considérable de la souffrance au travail. Néanmoins les choses changent petit à petit. Et le récent congrès du SNES concluait: "Les conditions de travail sont également en cause, elles doivent être transformées et améliorées. Les personnels doivent pouvoir exprimer leurs difficultés et être entendus. Le SNES doit favoriser cette parole des collectifs de travail, il se prononce donc pour toute mesure favorisant l’émergence de la parole des enseignants sur leur travail au sein des établissements, de la reconnaissance de la souffrance et des troubles psychiques." On en est loin. Puisque dans l'Education Nationale, l'administration se contente, avec le dispositif OPERA, de traiter le problème en aval, comme autant de défaillances individuelles, quand elle ne se hasarde pas à des mesures de flicage des "collègues en difficulté".

Extrait de l'introduction: « Les indicateurs de risques au travail, pourtant largement sous-estimés, confirment la tendance : reprise à la hausse des accidents du travail depuis 1995 (ils sont près d’1,2 million par an, dont la moitié avec arrêt et près de 700 aboutissant au décès du travailleur), doublement sur la même période des maladies professionnelles déclarées, épidémie des troubles musculo-squelettiques (troubles ostéo-articulaires), augmentation de la prévalence des cancers professionnels… Sans compter l’hécatombe attendue d’ici 2020 des salariés exposés à l’amiante (de 80 000 à 100 000 morts) ou de ceux qui auront été exposés à de multiples produits toxiques sans pouvoir bénéficier de mesures de prévention adéquates – et qui ne sont même pas garantis de pouvoir bénéficier a posteriori d’une reconnaissance et d’une indemnisation en réparation du tort subi !

[…] Ces restructurations ont modifié les conditions et le contenu de l’activité et fragilisé les collectifs de travail. Elles ont d’abord généré une flexibilisation et une précarisation de l’emploi et multiplié les formes d’externalisation du travail qui ont atomisé le salariat. L’ajustement des effectifs « au plus juste » a accompagné le chômage de masse, la précarisation de l’emploi et le développement du temps partiel. L’affaiblissement des collectifs de travail et le recul progressif de l’identité ouvrière ont permis l’intensification considérable du travail. Le contenu du travail a lui-même été modifié en profondeur, avec la densification des tâches via l’encouragement à la polyvalence des salariés, l’autocontrôle de la qualité ou de la maintenance des machines, ou l’émergence dans tous les secteurs de « modèles de production hybrides », combinant contraintes industrielles (travail à la chaîne, suivi des cadences et des normes, etc.) et contraintes marchandes (satisfaire le client rapidement, être en contact avec le public). Les nouvelles méthodes de management ont misé sur la concurrence des individus via les systèmes de rémunération et d’évaluations personnalisées. Elles ont accentué l’isolement des salariés, vis-à-vis desquels le recours à l’informatique et à l’automatisation a développé les possibilités de contrôle et de pression individuels. Toutes ces évolutions ont contribué à compromettre des formes de préservation de soi que les travailleurs avaient su élaborer à travers le métier et les collectifs professionnels ou le développement de la syndicalisation. L’intensité du travail a conduit les salariés à « prendre sur eux » pour réaliser leur tâche, d’autant mieux qu’ils se vivent comme uniques responsables en cas de défaillance. La santé est devenue l’ultime ressource dans laquelle puiser pour « tenir » au travail. Cet isolement des salariés, totalement nouveau, est la source d’une grande souffrance. Les travaux en psychodynamique du travail ont révélé l’importance des reconnaissances intersubjectives dans le travail, qui supposent de disposer du temps et des marges de manoeuvre nécessaires à la discussion et à la coopération professionnelles. »

Le sommaire du numéro 58 de la revue "Mouvements" ainsi que le texte complet de l'introduction sont ici:
http://www.mouvements.info/spip.php?article404

Publié dans BONNES FEUILLES

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